La netteté des images partie 3 : la dérive de mise au point
Par François Gauthier (La Prairie)
Lors des 2 précédents articles, nous avons examiné les questions de stabilité . Pour obtenir une netteté d'image, il faut aussi que le foyer soit suffisamment précis quand ça compte.
Malgré tous les perfectionnements modernes, il arrive que l'image soit floue par un phénomène désigné comme 'focus shift'.
Le terme peut désigner 2 choses . D'abord une technique qui vise à décaler légèrement la mise au point en prenant plusieurs images autrement identiques pour les assembler ensuite de façon logicielle . Le produit finit affiche une très grande zone de netteté comme si on avait utilisé F64 ou moins mais sans la diffraction . C'est en fait une méthode pour obtenir une immense profondeur de champs et ce n'est pas ce dont il est question ici.
Je traduit l'autre sens du terme comme dérive de mise au point . C'est à mon avis le problème le plus important pour le moins mentionné que l'on rencontre couramment de nos jours. De plus, les systèmes dispendieux n'y échappent pas. Il provient de l'objectif lui-même : dans bien des cas, le foyer se déplace en changeant l'ouverture .
Prenons par exemple un 50mm F1.8 qui en soufre .
En passant de f1.8 à f2.8 , le point de foyer va être un peu en avant ou en arrière de ce qu'il était au départ . Il en résulte que plus le sujet sera proche, plus cette erreur sera conséquente.
En continuant de fermer d'avantage, ce décalage sera absorbé par la profondeur de champs mais celle-ci ne sera pas distribuée de la façon habituelle qui est de 1/3 en avant et 2/3 à l'arrière (valable à toutes les distances sauf en macro) .
Cet exemple n'est pas fictif , c'est celui du très courant Nikon 50mm f1.8G , le plus récent de la marque pour ses boitiers réflex .
Bien sûr , ce ne sont pas tous les objectifs qui 'dérivent' de la sorte mais il y en a de plus en plus . Pour masquer ce phénomène ou une autre faiblesse de foyer, plusieurs testeurs sur YouTube vont faire la mise au point manuellement sur leur cible sans mentionner leur méthodologie.
Il y a plusieurs façon de contourner le problème mais il n'y a qu'une seule véritable solution : la mise au point doit se faire à l'ouverture de prise de vue et non à la pleine comme c'est le cas traditionnellement.
Il est étonnamment difficile de trouver ce que font les marques pour y remédier. Par exemple, je n'ai pas réussi à le savoir pour Canon . J'ai même osé le demander sur YouTube et j'ai été simplement ignoré par le 'reviewer' et les autres 'commetteurs' . Pour ce qui est de Sony , il semblerait que ce soit à ouverture réelle seulement en mode de foyer continu.
Je peux quand même vous transmettre mon expérience personnelle des 2 marques que j'utilise principalement.
D'abord, Panasonic (Lumix) M43 . Il n'y a que peu de modèles en soufrant , les plus connus étant le Lumix 25mm f1.7 et surtout l'excellent Panasonic-Leica 15mm f1.7 . Dans le menu, on peut simplement cocher l'option 'aperçu constant' pour fermer en conséquence. C'est en fait la meilleure solution possible car elle est optionnelle et fonctionne à toutes les ouvertures.
Ensuite, Nikon Z (plein format) . Au départ , la mise au point se fait toujours à celle choisie jusqu'à concurrence de F5.6 . C'est cette dernière qui est utilisée quand on ferme d'avantage. Un bon nombre des objectifs natifs ont une forte dérive qui prend effet surtout à F8 .
Il en découles des choix conséquents pour l'acheteur/utilisateur averti . Dans le cas du kit-zoom 24-70mm F4 , F8 est trop utile pour l'ignorer. Pour le 85mm F1.8 qui sert surtout au portrait, il sera rare de fermer plus que F5.6. Pour ce qui est de l'excellent 50mm F1.8 , il en souffre très peu et on peut utiliser chaque ouverture avec confiance.
Pour ce qui est du compact et économique 40mm F2 , il faut fermer à F4 pour obtenir une netteté suffisante mais pas d'avantage que F5.6... C'est le seul de cette liste que je possède actuellement, mes autres verres étant adaptés . Sur ce point, l'utilisation du Nikon FTZ (adapteur de la monture F vers Z avec contacts) en amène les mêmes avantages et inconvénients.
Il faut aussi mentionner une façon drastique d'éviter le problème : un adapteur simple (sans contact) conçu pour les objectifs à foyer manuel mécanique et dotés d'une véritable bague d'ouverture . Il s'agit surtout d'ancien verres conçu pour le film mais dont certains comme Leica, Zeiss et Voigtlander sont haut de gamme.
La mise au point par un fort agrandissement d'une partie de l'image fonctionne bien sur tous les boitiers sans-miroir et l'ouverture réelle n'entraine pas d'assombrissement du viseur ou de l'écran. Evidamment, l'utilisation exclusive ou principale d'une telle approche ne convient pas à tous les sujets.
En conclusion , surtout si vous photographiez souvent à courte distance, c'est certainement un élément méconnu à explorer pour éviter des déceptions...
---